A la rencontre d’un saint : le père Crozier

[Extrait de la biographie du Père Monier, rédigé par J. Paul-Dubreuil, 1995]

Ce début d’adolescence sera marqué par deux événements qui ont influencé toute sa vie d’homme et de croyant : sa rencontre avec le père Crozier et la mort de sa mère en 1898.

[Il a 11 ans et devient pensionnaire au collège de Belley, il sera diplômé bachelier de philosophie en 1904.]

Mais le collège-séminaire ne formait pas seulement des têtes bien faites. Prosper Monier eut la chance extraordinaire de trouver dans le père Crozier un directeur spirituel exceptionnel. Ce prêtre lyonnais, de santé fragile, était d’abord rentré au Prado du père Chevrier à Lyon, mais il s’en était retiré à la suite de graves divergences de vue et la maladie l’avait condamné à un repos forcé.

(…) Crozier était à la fois un très grand mystique stigmatisé, un veilleur d’âmes extraordinaire et un grand spirituel. (…) Le Père Monier gardera un souvenir ineffaçable du contact avec ce prêtre dont il a dit : Il n’était pas mon père spirituel, c’était plus que ça, c’était mon gourou! C’était un géant spirituel qui se montrait tout simple, toujours avenant et souriant… Pour lui une seule chose comptait : Dieu est Amour, Dieu n’est qu’Amour.

Pour illustrer la méthode du père Crozier, le père Monier racontera souvent (…) :

Le père Crozier me dit un jour : « J’ai entendu dire que tu étais puni? – Eh oui ! J’ai énervé le surveillant. Par conséquent, il m’a puni. Il m’a donné des pages du dictionnaire grec à copier, tellement il était furieux. » Alors le père Crozier avec un sourire me dit : « Comment vas-tu faire pour que ta punition plaise à Notre Seigneur? » – Une punition ne lui fait pas plaisir ! – Pourquoi pas si tu le fais en souriant, comme avec plaisir, en l’offrant à Jésus Christ? » Et il me souvient toujours des trois marches d’escalier sur lesquelles j’étais assis pendant la récréation, l’encrier à côté de moi, recopiant mon fameux dictionnaire grec. Arrive le surveillant qui me regarde et dit : « Qu’est-ce que vous faites? – Je fais votre pensum. – Je ne vous ai pas demandé de le faire à l’encre. – Et si ça me fait plaisir? – Vous avez donc fait de la calligraphie? – Oui, parfaitement! » Après quoi, il s’éloigne un moment, puis revient, prend mon papier et le déchire en disant : « Allez vous promenez maintenant! » Par la suite, il ne m’a plus jamais puni. Cette manière d’agir, c’était tout le père Crozier. Jamais il ne nous parlait d’une manière négative : toujours du positif, toujours !

(…) Pour ce qui est de ma vocation de prêtre, son influence fut énorme. Son témoignage de vie, son enseignement, son sourire, voilà ce qui m’a donné l’idée d’être prêtre. Nous en avons parlé seulement une fois ou deux. Il m’avait demandé un jour : « Qu’est-ce que tu as envie de faire plus tard? – Moi, j’ai envie de me faire médecin. » Et, souriant, il me répondit : « C’est bien ça! Et tu n’as jamais pensé à être prêtre? – Oh ! non, jamais. – C’est bien. » (…) Il ne nous détournait pas [de la vie religieuse] mais il ne nous y poussait pas non plus. »

 

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