[Extraits de la biographie du Père par J. Paul-Dubreuil]
A la découverte de l’Homme
L’expérience de la guerre sera pour le père Monier, comme pour beaucoup de ses confrères, une grande nouveauté. L’intellectuel qu’il est, raisonnant souvent dans l’abstrait, va apprendre à parler avec des hommes qui ne sont pas des savants. Il faut échanger avec des mots et des raisonnements simples et dépouillés, se détacher de ses certitudes.
Dans ses notes, Prosper Monier évoquera souvent de grandes discussions avec des camarades dont il découvre, au-delà de la rudesse des apparences, la soif de vivre.
Comme beaucoup d’autres, il en sera profondément marqué, comprenant que le véritable apostolat du prêtre ne peut se faire dans les sacristies, les presbytères ou les cellules des professeurs, mais en participant, en partageant.
Il découvrira l’ignorance religieuse de ces hommes de France d’autant plus anticléricaux souvent, que le visage de l’Église leur paraît trop clérical. Il déplore aussi que les prêtres soient insuffisamment armés pour répondre à des objections, des questions difficiles et vitales, au-delà de leurs certitudes trop paisibles.
Il découvre surtout l’héroïsme simple de ses compagnons de misère. [Il est infirmier de compagnie, il cite deux exemples de bravoures ; un sergent et un soldat blessés qui préférèrent rester sur le champ de bataille mal en point, continuer leur missions et mourir avec leurs camarades. p.82]
Voilà l’homme. Quelle rude épreuve pour les âmes que cette vie… J’ai appris pendant la guerre à connaître l’homme et je ne l’ai jamais oublié et maintenant je remercie Dieu de cela. Cette expérience sera décisive pour lui. Désormais, comme saint Paul, son modèle, il centrera toute sa pensée et sa réflexion priante sur l’Humanité de Jésus Christ.

Dessin de Mathurin Méheut
Prisonnier en Allemagne et retour au Pays
Après l’enfer de Verdun en 1917, les Allemands tentent d’enfoncer le dispositif français par le Nord de la France, espérant faire une percée directement sur Paris. Prosper Monier qui revient d’Innimont où il s’était reposé en famille, est plongé avec son régiment ; le 433e R.I. dans la bataille de la Somme près d’Amiens. Il est fait prisonnier sur la ligne de feu sans quitter le cœur de l’offensive, ne se trouvant qu’à peine à l’arrière. Les conditions sont dures. Combien de temps allons-nous vivre sans sucre avec du thé et un maigre repas?
Le 28 avril 1918 il est en Allemagne à Munster, où il se reprend à vivre. [Il lit dans le texte Sophocle, Aristote et Platon]. Il utilise sa connaissance parfaite de l’allemand dans ses relations avec ses gardiens, qui lui ont donné une liberté relative de circuler dans la ville.
[En 1919, il retourne au Grand Séminaire de Bellay.] Avec ses compagnons que la guerre a profondément changés, il reprend très difficilement une vie de prière et de travail. L’expérience du danger, des tranchées et de la mort a profondément mûri ces jeunes hommes, qui autour de lui et avec son aide, ont quelque difficulté à se plier à une discipline rigide et à retrouver des préoccupations intellectuelles.
Il écrit une fois de plus à ses amis chartreux en Italie pour demander son admission dans cet ordre austère où dans la vie contemplative il pourrait se centrer sur Dieu seul. [Il obtient une réponse négative mais] apprendra à la fin de l’été 1919 que cette réponse lui avait été adressée par erreur. Voyant là un signe de Dieu, il renonce à ce projet.
