Croiser un homme de 85 ans pour apprendre de lui la jeunesse, celle du cœur et de l’esprit, n’est pas chose courante. Je n’en ai rencontré que deux : Jean XXIII et le Père Monier. De l’apparence, ils ne partageaient que ce regard vif et malicieux tourné tout entier vers l’avenir. Pour le reste, rien de commun, du moins au physique. Le Père Monier est petit et malingre ; il porte une barbe blanche qui contraste étrangement avec un sourire de la plus haute enfance.
La vitalité de l’à-propos, la mobilité du regard et du geste, l’intelligence rayonnante de profondeur et de malicieuse bonté, l’humour qui sans cesse rejoint et exprime la liberté, voilà qui surprend de jeunesse.
Ce jésuite détaché, qui ne sait jamais le nom de son provincial, ce théologien pétri de Bible et pénétré de saint Paul qu’il sait par cœur, cet humaniste libéré de ses livres, ce prédicateur infatigable, avec rien dans les mains et rien dans les poches, ce nomade sans domicile fixe, est devenu tout entier parole de Dieu. Tel l’Apôtre des nations, il dit simplement, en langage direct, vrai, accessible, ce Jésus qui le fait vivre au-delà de son âge et de sa génération. Et il ne dit jamais autre chose que ce qu’il vit. Tous ceux qui l’ont un jour rencontré restent à jamais marqués par l’image du Christ qui l’imprègne et que transmet sa parole.
P.Bockel
