Être à la mode du Père Monier, du Christ

Extrait de Jésus Christ tel qu’il est, 1973

J’ai vu deux curés mourir entre mes bras. On avait dit à l’un d’eux, bien malade :
– Père, il y a une cinquantaine de personnes à l’église.
Il s’est levé comme il a pu. Il a confessé, deux hommes l’ont emmené à l’autel, il a distribué les hosties… Il est rentré chez lui, on l’a mis sur son lit.
– Soyez bons, soyez bonnes. Vers la maison du Père. Au revoir…
On m’a dit après : « Vous lui avalez donné l’absolution? »
J’avais envie de donner une gifle à celui qui me le disait.

*

« Vous êtes le sel pour la terre ». Ce n’est pas parce que vous viendrez souvent à l’église que vous êtes chrétien, mais si vous êtes chic pour les autres.

*

Quand je serai à l’article de la mort, je ne veux pas de prêtre à côté de moi. Savez-vous pourquoi? Quand ma mère est morte, j’arrivais du collège, elle m’a tendu ses bras de moribonde, je me suis mis dedans, elle est morte en m’embrassant… Pendant ce temps-là, Monsieur le curé disait du latin avec un surplis, deux cierges et un bénitier.
Une maman qui meurt en pleurant, laissant quatre orphelins. Il récite du latin !
Cela m’a traumatisé.

Monsieur le curé aussi bien que les autres doit être le sel pour la terre et la lumière pour le monde et non pas l’empoisonnement des chrétiens.
Si je vois un mourant… Je ne lui demanderai pas de « faire ses devoirs » !
Non. J’irai pour l’aider à mourir en enfant de Dieu. Si les sacrements lui sont utiles, c’est très bien, mais je ne lui présenterai pas les sacrements comme des « devoirs. » Je lui parlerai de ses « droits ».

Vous êtes baptisé! De la part de l’Eglise dont vous faites partie, de la part du Christ, qui est à la tête de cette Eglise, j’ai à vous dire que vous n’avez plus à vous inquiéter de vos péchés. Jésus-Christ les prend à son compte. De l’autre côté c’est le Christ qui vous recevra. Voilà l’absolution.

Je la lui dis en français.

Vous avez droit à la communion encore, je vous l’ai apportée. Prenez-la et ne vous inquiétez pas de ce qui est à faire. Laissez Jésus travailler chez vous, Il vous donnera des forces sans que vous vous en aperceviez.

Celui qui n’a plus peur de Dieu ni de son avenir, qui est libéré de ses péchés, alors il commence à sourire… Il sait que la mort, c’est l’entrée dans la Vie… et qu’il trouvera en arrivant de l’autre côté, non pas l’inconnu, mais des gens déjà connus : Jésus-Christ, la Sainte Vierge, son père et sa mère etc.

*

Je demandais à de petits voyous :
– Quand est-on chrétien?
Ils se sont regardés…
– Quand Jésus-Christ nous fait signe et qu’on comprend.
– Toi, tu a été chrétien aujourd’hui?
– Oui. Quand ma mère m’a dit de me lever, j’avais envie de rester encore au lit, mais je me suis dit : « Jésus-Christ te fait signe… » Alors je me suis levé.
– Et toi?
– Moi, jeudi dernier, j’ai rencontré la vieille du quartier. Elle avait son cabas à la main, il y avait du verglas. J’ai dit : « La vieille, elle va se casser le nez, pour sûr. Tant pis, moi je vais bouffer. » Tout d’un coup, j’ai pensé que Jésus me faisait signe… Alors, je suis allé trouver la vieille, je lui ai pris son cabas, je l’ai prise par la main, je l’ai conduite jusque chez elle.
J’ai dit : Oui, tu es chrétien, toi…
Ils avaient compris.

*

Et Monsieur le curé me racontait ce qui était arrivé à ces deux petits voyous.
Il leur avait dit : « Allez ramasser des sous pour acheter du charbon pour les vieux qui ont froid. »
Ces deux-là sont allé trouver le garagiste : -Ah! Je vais vous donner des sous et vous irez acheter des sucettes… Foutez-moi le camp…
Ils sont partis, sont allés du côté de l’église. Ils y sont entrés puis ils rappliquent chez le garagiste tous les deux : – Dis donc, regarde-nous dans les yeux et tu verras si on peut mentir…
Le garagiste raconte : – J’ai pris tous les sous que j’avais et je leur ai tout donné…

La curé m’a dit :
– Ils ont fait cela parce que l’année dernière, vous leur avez raconté l’histoire du jociste…

La voici :
– C’était à Lyon, un soir à la place d’Espagne. Un type était couché sur un banc. Un jeune arrive :
– Qu’est-ce que tu fous là, toi?
– Mon père m’a fichu à la porte, je ne sais pas où aller.
– Viens coucher chez nous… Y a de la place.
Il l’emmène et le lendemain lui trouve du travail. Quelques jours après, il lui fait connaître des jocistes. Ensuite, mobilisé, il reçoit une lettre du jeune de la place d’Espagne :
– Ecoute, vieux, il faut que je te dise : Quand tu m’as ramassé sur le banc, que tu m’as emmené chez toi, je me demandais ce que tu me voulais. J’avais la main à mon couteau. Je l’ai gardé toute la journée. Tu m’as trouvé du boulot, je n’avais toujours pas confiance. Puis, je t’ai regardé dans les yeux : « Dis, pourquoi m’as-tu fait ça? » Je t’assure que j’ai vu le Christ derrière tes deux yeux qui réveillait le Christ qui était derrière les deux miens. Et je t’écris pour que tu sachez que tu as le Christ chez toi et que tu n’aies pas peur de regarder les gars.

J’avais raconté cela à mes gosses. Conclusion : – Si le type, il nous croit pas, il n’a pas vu le Christ.
Et ils sont allés se regonfler à l’église avant d’aller retrouver le garagiste…

Être chrétien, ce n’est pas être inscrit sur le registre de la catholicité.

*

Comme je vous disais au commencement, le christianisme n’est pas une religion, c’est beaucoup mieux que cela. C’est un groupe de volontaires de l’amour qui se réclame de Jésus Christ s’ils le connaissent ou qui travaillent avec lui sans le connaître.
– Comment, même ceux qui me disent : « Seigneur, Seigneur… » c’est-à-dire « Oui, oui… »
Un père avait deux enfants. L’un disait toujours « oui, oui » quand on lui demandait quelque chose, et il ne faisait rien.
L’autre disait « non, non » mais il faisait le travail. Quel est celui des deux qui était vraiment son enfant?
Gandhi ne se réclamait pas de Jésus-Christ. Oui, mais il a joliment travaillé à Son compte !

P.M.

The Rescue_Nathan-Greene

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